Catalogue 2025
Parcourez ci-dessous le catalogue 2025 des Rencontres Internationales, ou effectuez une recherche dans les archives des oeuvres présentées depuis 2004. De nouveaux extraits vidéos sont régulièrement mis en ligne, les images et les textes sont également progressivement mis à jour.
Mohamed Abdelkarim
Gazing...Unseeing
Fiction expérimentale | mov | couleur | 7:50 | Egypte | 2021
La vidéo imagine un scénario futur inscrit dans une narration de climate fiction. Le récit prend la forme d’un pseudo-entretien avec un fugitif imaginé, vivant dans une ère post-catastrophe. À travers différents points de vue, inflexions idéologiques et rapports de souveraineté économique, l’entretien projette l’avenir des écologistes, des gouvernements et du secteur privé dans une ville submergée puis reconstruite après les inondations. Le paysage et la fiction complexifient les relations entre infrastructures, privatisation, écologie, surveillance et migration, en esquissant un futur où ces forces s’entrecroisent au sein d’un territoire transformé.
Abdelkarim est artiste visuel, performeur et producteur culturel. Après un master à l’ECAV/Edhea (Suisse) en 2016, il s’est tourné vers la création de performances fondées sur l’écriture, développant une pratique performative ancrée dans une recherche pluridisciplinaire qui met en jeu — et interroge — le récit, le chant, la détection, le faire, la fiction et la spéculation. Dans ses performances, le texte témoigne du processus de recherche. L’accent est mis sur le processus lui-même : une réflexion sur les modes de production et les généalogies culturelles. Ce processus reste ouvert, non linéaire. Son projet actuel, structuré comme un ensemble de volets, explore l’agency du paysage en tant que témoin « d’une histoire que nous avons manquée et d’un futur auquel nous n’avons pas encore assisté ». Ses performances ont été présentées notamment à Guild Master of Cabaret Voltaire, à Manifesta 11 (Zurich, 2016) ; au Sofia Underground Performance Art Festival (Bulgarie, 2016) ; à Photo Cairo 6, Contemporary Image Collective (CIC, Égypte, 2017) ; au Live Works Performance Act Award Vol. 5, 37? édition de Drodesera (Trente, Italie, 2017) ; dans At the Crossroads of Different Pasts, Presents and Futures à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo (Turin, 2018) ; à Interazioni Festival (Rome, 2022) ; et au Festival Internazionale della Performance, Performative 04, au MAXXI L’Aquila (2024). Dans le cadre de sa pratique performative, il a créé Live Praxes, un espace de rencontre dédié à la performance, comprenant ateliers, séminaires et soirées performative
Astrid Ardagh
Ishavsringen
Documentaire | dcp | | 20:36 | Pays-Bas, Norvège | 2024
En 2022, une importante cyberattaque russe a isolé les îles norvégiennes de Bjørnøya et de Hopen du reste du monde. On Air retrace la manière dont un petit groupe de radioamateurs norvégiens est intervenu pour rétablir le contact, révélant le rôle essentiel des technologies analogiques dans une société numérique de plus en plus fragile. Observé à travers les yeux curieux d’anthropologues extraterrestres, le film explore comment le code Morse et les signaux radio pourraient, un jour, devenir les gardiens de notre monde hyperconnecté.
Astrid Ardagh est une artiste et cinéaste originaire d’Engeløya, dans le nord de la Norvège. Diplômée en images en mouvement de la Gerrit Rietveld Academy à Amsterdam, elle développe des œuvres in situ qui explorent les interconnexions entre les êtres humains et leur environnement dans un monde en mutation rapide. En mêlant son intérêt pour l’anthropologie à une mise en récit esthétique, elle crée des films immersifs et sensoriels qui dépassent les perspectives traditionnellement anthropocentrées. Les courts-métrages d’Ardagh ont été présentés dans des festivals renommés tels que Clermont-Ferrand et le Kortfilmfestivalen de Grimstad, ainsi que dans des galeries et musées d’art tels que Kristiansand Kunsthall, l’Eye Filmmuseum et le Stedelijk Museum d’Amsterdam.
Benjamin Balcom
The Phalanx
Doc. expérimental | 16mm | couleur | 13:30 | USA | 2025
Letters from the Ceresco community tracent la fragilité de l’harmonie, le rêve d’une vie en association, les frictions qui finissent par se muer en fracture. Les membres de la phalange s’éloignent les uns des autres, dérivant vers des recoins privés, suspendus dans un temps spéculatif.
Ben est cinéaste et enseignant, basé à Milwaukee, dans le Wisconsin, où il est professeur de cinéma, vidéo, animation et nouveaux genres à l’Université du Wisconsin–Milwaukee. Ses films les plus récents explorent les histoires et les survivances des idéaux sociaux radicaux et des formes de vie communautaires. Ces projets mêlent recherche archivistique et divers modes de fabrication d’images pour réfléchir à des manières alternatives d’habiter le monde. S’inspirant de la fiction spéculative, de la théorie critique et de la poésie utopique, son travail revisite souvent les sites d’écoles expérimentales aujourd’hui disparues et de communautés intentionnelles, utilisant le cinéma comme un espace à la fois de recherche et d’imagination. Mêlant paysages réels et imaginés, ces films mobilisent la mémoire collective tout en spéculant sur des futurs au-delà des limites du capitalisme. Au début de sa pratique, Balcom travaillait avec l’abstraction, l’introspection et l’expérimentation formelle, explorant les tensions entre perception et communication, et sondant la matérialité même de la pellicule. Ces lignes de force continuent d’informer son approche en mouvement du cinéma non fictionnel et poétique. Les films de Balcom ont été projetés internationalement dans des lieux et festivals tels que le Museum of the Moving Image, l’International Film Festival Rotterdam, l’European Media Arts Festival, IndieLisboa, Media City Film Festival et le Ann Arbor Film Festival. Il a reçu des distinctions de l’Onion City, de l’Athens International Film + Video Festival et d’Ann Arbor. En 2023, il a été chercheur invité au Center for 21st Century Studies. Il est également cofondateur de Microlights Cinema, un microcinéma actif de 2013 à 2023, dédié à la diffusion du cinéma expérimental et de la vidéo d’art auprès des publics de Milwaukee.
Francisco Baquerizo Racines
La Quema (del Planeta “B”)
Vidéo | 4k | couleur | 20:50 | Equateur | 2025
La Quema (del Planeta “B”) est une installation vidéo qui interroge l’incendie et le saccage de Guayaquil en 1624 par la flotte de Nassau à travers le prisme des pratiques vernaculaires contemporaines de l’Équateur — en particulier año viejo, une coutume populaire où l’on brûle collectivement des effigies lors des célébrations du Nouvel An. Ce rituel métis résiste aux récits linéaires : il propose une perspective andine en zigzag, où le renouveau passe par la répétition. La fabrication de ces effigies incarne la culture populaire vibrante de Guayaquil et ses désirs façonnés par le capitalisme, tout en ouvrant paradoxalement un espace de protestation (politique). Dans un contexte où les pratiques artistiques demeurent précaires, cette tradition fait également émerger des économies informelles. Les artistes Joshua Jurado et Diego Cuesta — tous deux basés dans le sud de Guayaquil — ont été invités à construire un año viejo sous la forme d’un galion, inspiré de l’Amsterdam, navire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales (VOC). Promenée dans la ville avant d’être mise à feu, la sculpture marquait les 400 ans de l’événement originel, affrontant les cycles historiques par une action collective et un symbolisme vernaculaire. Tourné lors d’un des pics récents de violence à Guayaquil — violence liée aux héritages extractivistes — le projet tisse ensemble deux temporalités façonnées par un même système hégémonique. La Quema (del Planeta “B”) se dresse ainsi comme une question incisive adressée à ce système — celui qui a modelé nos corps, nos éthiques et nos désirs au service du capital.
Francisco Baquerizo-Racines (né en 1993, Quito, Équateur) Vit et travaille actuellement aux Pays-Bas. Baquerizo-Racines est titulaire d’un Master en arts plastiques de la HKU University of the Arts Utrecht (2022) et d’un Bachelor en arts visuels de la PUCE (2017). Son travail a été présenté en Équateur, en Amérique du Sud et aux Pays-Bas, avec des projets conservés dans les archives du MACBA et soutenus par le Mondriaan Fonds. En 2025, son installation filmique La Quema (del Planeta “B”) a été créée au 54? International Film Festival Rotterdam (IFFR).
Yosr Ben Messaoud
Envol
Vidéo | hdv | couleur | 4:12 | Tunisie, France | 2024
Dans la pénombre, la main surgit comme un fragment de présence, suspendue entre apparition et effacement. Elle devient un territoire sensible, effleuré par une intimité silencieuse, et se déploie comme un paysage ouvert, un espace d’accueil pour ce qui passe sans jamais vraiment se laisser saisir. La vidéo devient alors un lieu de ralentissement, où le regard croise une présence partielle mais habitée, traversée par un monde en mouvement.
Yosr Ben Messaoud est une artiste visuelle qui travaille entre la France et la Tunisie. Elle poursuit actuellement ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris, après avoir obtenu un diplôme en art contemporain et sciences humaines à l’Université de Vincennes. Son travail se compose de vidéos, de photographies, de dessins et d’installations ou encore d’hybridation entre ces différentes formes d’expression. La variété de formes opératoires transmet une esthétique d’ouverture et de flottaison, où l’on est appelé à être un pont, à accueillir l’altérité pour l’émergence d’une nouvelle forme de communion. Dans son travail, elle interroge les enjeux liés au déplacement des récits et à leurs survivances en partant de l’intime, par la mise en place de dispositifs conçus à la fois comme des systèmes d’accueil, des contenus d’expériences et des circuits de narration, qui se peuplent de ce qui les entourent. Les axes se déplacent incessamment, entre le vécu et les faits d’affects, les images récoltées et celles qui survivent, l’intime et la parole collective, pour réfléchir autour de la condition de l'humain, non pas en tant qu’humanité au centre du monde mais comme faisant partie de son ordre sensible, matériel et social
Younes Ben Slimane
Images De Tunisie
Doc. expérimental | 0 | couleur et n&b | 14:39 | Tunisie | 2025
Images de Tunisie réapproprie et recontextualise des images d’archives issues des actualités filmées françaises des années 1940, en les combinant avec de nouvelles prises de vue réalisées aux mêmes endroits, au milieu des architectures qui subsistent encore.
Younès Ben Slimane est un artiste visuel et cinéaste tunisien. Il est diplômé en architecture de l’École Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis avant d’avoir poursuivi des études post-diplôme au Fresnoy – Studio national des arts contemporains (FR). Son travail a été présenté au Mucem à Marseille (FR), à la Biennale de l’Art Africain Contemporain de Dakar (SN), au Musée d’Art Contemporain de Skopje (MK), à l’Institut du Monde Arabe à Paris (FR), au Beirut Art Center (LB), à ETH Zurich – gta exhibitions (CH), à la Biennale d’Architecture de Versailles (FR), sur le musée-bateau Art Explora, ainsi qu’au Wexner Center for the Arts dans l’Ohio (US), à la Zaha Hadid Foundation à Londres (UK) et à la Galeria de Arte Cinemática à Vila do Conde (PT). Ses films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux, notamment le Locarno Film Festival (CH), CPH:DOX (DK), le Black Star Film Festival (US), DokuFest (XK), EXiS Seoul (KR) et Prismatic Ground New York (US), entre autres. Il a reçu plusieurs distinctions, dont le Loop Barcelona Award (2022, ES). Son travail fait partie de collections publiques, notamment celles du Musée d’Art Contemporain de Barcelone (MACBA) Print et de Kadist Paris–San Francisco.
Samy Benammar, Mohamad Awad
Adieu Ugarit
Documentaire | 16mm | noir et blanc | 15:45 | Canada | 2024
En 2012, Mohamed voit son meilleur ami abattu par une milice armée aux abords de Damas, en Syrie. Le sang se répand dans l’eau du lac et contamine la mémoire. Dix ans plus tard, les reflets des Laurentides rappellent le traumatisme de Mahamed, maintenant réfugié au Québec. Je lui demande s’il souhaite excaver les souvenirs, réparer les peurs en nous isolant quelques jours dans le calme le plus angoissant qui soit pour lui. Il raconte la mort, l’immigration, la colère. Nous nous demandons comment et pourquoi raconter cette histoire.
Samy Benammar est un cinéaste et critique de cinéma résidant entre Marseille et Montréal. Son travail d’écriture et de réalisation, construit autour d'enjeux sociopolitiques hérités de ses origines algériennes et ouvrières, déploie des dispositifs documentaires réflexifs et une approche tactile et expérimentale de l'image. Il a notamment réalisé adieu ugarit (2024), avant seriana (2024), kaua’i’o’o (2023) et peugeot pulmonaire (2021). Ses films sont distribués par Winnipeg Film Group, CFMDC et Vidéographe. Ils ont été présentés dans des festivals tels que le BFI London Festival, les RIDMs, Experiments in Cinema, Windx, le Symposium de Cinémathèque québécoise et le Beijing short film festival. Ses textes peuvent être lus dans différentes revues spécialisées. Il a siégé sur les comités de rédaction de 24 images, Hors-Champ et Panorama-cinéma. Il poursuit actuellement un doctorat en recherche-création sur la photographie coloniale dans la région des Aurès en Algérie.
Alisa Berger
RAPTURE I - VISIT
Doc. expérimental | 4k | couleur | 18:22 | Allemagne, France | 2024
RAPTURE I - VISIT suit Marko, danseur ukrainien de Vogue, alors qu'il affronte avec émotion son appartement abandonné et inaccessible dans le Donbas, une région ukrainienne touchée par dix ans de guerre. L'appartement a été recréé à partir d'un scan 3D de photographies originales, offrant une reconquête numérique de l'espace que Marko visite pour la première fois depuis 2018 grâce à la réalité virtuelle.
Alisa Berger est née en 1987 à Makhachkala (République du Daghestan, Russie) et a grandi à Lviv (Ukraine) et à Essen (Allemagne). Elle a étudié le cinéma et les beaux-arts à l'Académie des arts médiatiques de Cologne (KHM) et à l'Universidad Nacional de Colombia Bogotá. Avec son film de diplôme KHM de 2017, elle a été nominée pour le prix Max Ophüls et pour le prix FIRST STEPS de la Deutsche Filmakademie. Elle a également reçu le prix du meilleur film pour les nouveaux réalisateurs au Int. Film Festival Uruguay et du prix du scénario de H.W. Geißendörfer. 2018 - 2022 : elle vit à Tokyo et étudie le Butoh. Son travail porte souvent sur la recherche de la pulsion spirituelle et non rationnelle dans notre monde, sur des cultures dont les pratiques d'acquisition de connaissances sont liées à des idéologies religieuses, à des cultes mortuaires ou à des concepts futuristes de ces croyances.
Alisa Berger
RAPTURE II - PORTAL
Doc. expérimental | 4k | couleur | 19:22 | Allemagne | 2024
Ce film en réalité virtuelle explore l’idée d’un foyer physique perdu et la met en regard avec le corps du danseur comme demeure éternelle. Conçu comme une séance d’hypnose, il guide le spectateur à travers l’appartement de Marko, désormais fusionné avec des scans 3D réels d’architectures ukrainiennes aujourd’hui détruites. Les éléments de danse voguing instaurent un contraste puissant entre la force du corps en mouvement et sa vulnérabilité face aux technologies de guerre. Ce film fait partie du diptyque multimédia Rapture, composé du court métrage RAPTURE I – VISIT et du film VR 360 RAPTURE II – PORTAL. Chaque œuvre peut exister de manière autonome ou être envisagée conjointement comme les deux volets d’un diptyque, chacun faisant écho à l’autre.
Alisa Berger est née en 1987 à Makhatchkala, dans la république du Daghestan, et a grandi à Lviv, en Ukraine, puis à Essen, en Allemagne. Elle a étudié le cinéma et les arts plastiques à la Kunsthochschule für Medien Köln (KHM) ainsi qu’à la Universidad Nacional de Colombia à Bogotá. Avec son film de diplôme en 2017, elle est nommée au Max Ophüls Preis et au FIRST STEPS Award de la Deutsche Filmakademie. Elle reçoit également le prix du Meilleur film de la compétition « New Directors » au Festival international du film d’Uruguay ainsi que le prix de scénario H.W. Geißendörfer. De 2018 à 2022, elle vit à Tokyo, où elle étudie la performance butô. De 2022 à 2024, elle suit le programme du Fresnoy – Studio national des arts contemporains, où elle réalise son nouveau film INVISIBLE PEOPLE, distingué par le Prix Studio Collector au Jeu de Paume (attribué par Isabelle & Jean-Conrad Lemaître et Haro Cumbusyan) ainsi que par le Prix Analix Forever (attribué par Barbara Polla et Marta Ponsa, Jeu de Paume, Paris). Sa première installation VR, RAPTURE II – PORTAL, est présentée en première mondiale au IDFA DocLab 2024, puis à la Berlinale Forum Expanded sous la forme du diptyque vidéo RAPTURE. Elle reçoit le prix du Meilleur film immersif à One World Festival 2025. Alisa Berger crée des films et des installations, souvent dans un processus collaboratif, accompagnés, transformés ou parfois détruits par des interventions performatives. Elle a présenté ses œuvres dans de nombreuses expositions collectives, notamment à l’Eye Filmmuseum (Amsterdam), au Tokyo Metropolitan Art Museum (Tokyo), au Centre Wallonie-Bruxelles (Paris), au National Museum of Asian Art de la Smithsonian Institution (Washington, DC), au Neuer Aachener Kunstverein, au Kindl – Centre for Contemporary Art (Berlin), à KAI 10 – Arthena Foundation (Düsseldorf), au Centre Dovjenko (Kyiv), au MMOMA (Moscou), au BACC (Bangkok) ou encore au Midlands Art Centre (Birmingham). Depuis 2011, elle collabore avec Lena Ditte Nissen sous le nom bergernissen. Elle est cofondatrice de la société internationale de production cinématographique FORTIS FEM FILM, dédiée à la mise en visibilité des femmes et de leurs récits dans le cinéma. Parallèlement, Berger développe une pratique de performance sonore et anime une émission mensuelle en tant que DJ sur dublab.de.
Mohamed Bourouissa
Généalogie de la violence
Fiction | dcp | couleur | 15:15 | France | 2024
Imaginez un film sur les violences policières — sans violence. Un film où rien ne se passe, et pourtant vous restez sidéré. Une violence invisible, dissimulée sous l’humiliation légale. Une domination enveloppée dans des protocoles polis. J’ai commencé à parler de ce court métrage en 2018, mais son idée me hantait sans doute depuis la fin des années 1990, lorsque j’ai commencé à être constamment arrêté par la police pour des « contrôles d’identité aléatoires ». J’ai ressenti l’urgence de raconter cette histoire intime. Avec sa série de sculptures en aluminium coulé — esquisse du projet plus vaste Généalogie de la Violence — Mohamed Bourouissa cherche à transmettre les sensations intimes qu’une procédure formelle peut infliger, les traces qu’une pratique judiciaire systématique peut inscrire, au-dehors comme au-dedans du corps. Ces sculptures représentent des instants de palpation lors de fouilles corporelles. Elles évoquent la tension entre des fragments de corps et les mains qui les examinent, révélant un point de contact entre les corps sociaux et le corps de l’État. L’artiste dévoile l’expérience intérieure de ce que la notion de contrôle impose en termes de dépossession corporelle. Cette intériorité se matérialise dans le vide qui habite les œuvres. À travers elles, Mohamed Bourouissa figure une dynamique émotionnelle qui met en scène deux corps masculins — soulignant le rapport de force et la domination de l’un sur l’autre.
Mohamed Bourouissa est né en 1978 à Blida (Algérie). Il vit et travaille à Gennevilliers. Il est représenté par les galeries Mennour (Paris) et Blum (Los Angeles). Exposé en 2010 au Palais de Tokyo et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris à l’occasion de Dynasty — une proposition commune des deux institutions visant à mettre en lumière une nouvelle génération d’artistes français — Mohamed Bourouissa a depuis présenté son travail dans de nombreux musées et biennales internationales (Rencontres internationales de la photographie d’Arles ; Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris ; Centre Pompidou, Paris ; New Museum, New York ; Barnes Foundation, Philadelphie ; Stedelijk Museum, Amsterdam ; Frankfurt am Main ; Le Bal, Paris ; Haus der Kunst, Munich ; Biennales de Sydney, Sharjah, La Havane, Lyon, Venise, Alger, Liverpool, Berlin ; Triennale de Milan…). Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections publiques et privées (Centre Pompidou, Paris ; SF MoMA, San Francisco ; LACMA, Los Angeles ; Collection Pinault ; Fondation Louis Vuitton, Paris ; The Israel Museum, Israël…).
Niklas Buescher
Center
Fiction expérimentale | 16mm | couleur | 20:0 | Allemagne | 2024
Une journée dans le complexe du Sony Center à Berlin. Deux personnes se rencontrent dans la salle d’attente d’un chiropracteur. Elles sont fatiguées, toutes les deux. Pendant ce temps, le bâtiment reste en chantier, en permanence.
Niklas Buescher a étudié les arts plastiques à la Gerrit Rietveld Academie d’Amsterdam. Il y obtient en 2019 son diplôme avec son premier court métrage. En 2021, il commence des études de réalisation à la Deutsche Film- und Fernsehakademie Berlin. Depuis, il a réalisé plusieurs courts métrages de fiction, chacun centré sur un lieu différent de la ville.
Mladen Bundalo
Every time you leave, you are born again
Documentaire | mp4 | couleur | 25:0 | Bosnie-Herzégovine, Belgique | 2025
Le bruit hypnotique et ronronnant du moteur d’un autobus résonne, accompagné du grondement de l’intérieur du véhicule. La voix de l’auteur, proche et intime, nous entraîne dans un monologue intérieur. Nous sommes en route vers Prijedor, sa ville natale en Bosnie et le lieu de ses départs perpétuels. Avant d’y arriver, il nous faut d’abord appréhender le départ en tant qu’espace dans lequel nous pouvons grandir et renaître.
Mladen Bundalo (né en 1986 à Prijedor) est un artiste interdisciplinaire, cinéaste et auteur d'origine bosniaque, actuellement basé à Bruxelles. Ses films-essais explorent les thèmes de l'appartenance et de la condition humaine dans le contexte de la migration, de la diaspora ainsi que les périodes d'incertitude et de crise.
Anouk Chambaz
Di Notte
Film expérimental | 16mm | couleur | 8:10 | Suisse, Slovénie | 2025
La nuit tombe sur la montagne. Une voiture solitaire serpente le long de la route. Au volant, quelqu'un fredonne une étrange berceuse
Anouk Chambaz (Renens, 1993) travaille avec l’image en mouvement, explorant les seuils entre les espaces, les rêves et les individus. Elle est diplômée en cinéma de l’ECAL (Lausanne) et en philosophie de La Sapienza (Rome). Elle a reçu le Prix Combat (vidéo) en 2022, ainsi que des mentions spéciales au Prix Francesco Fabbri en 2023 et au Festival international du film de Rio de Janeiro en 2024. En 2025, elle est finaliste du Talent Prize.
Antoine Chapon
Al Basateen
Documentaire | dcp | couleur | 24:41 | France | 2025
En 2015, le quartier de Basateen al-Razi, à Damas, a été rasé en représailles au soulèvement de sa population contre le régime de Bachar al-Assad. À sa place doit surgir Marota City, un district moderne et hyperconnecté, ponctué de 80 gratte-ciel. Dix ans plus tard, après avoir tout perdu, deux anciens habitants se remémorent leur quartier — l’endroit où se trouvaient leurs maisons et les plus vieux vergers de Damas. À travers leurs témoignages et la réutilisation d’animations 3D produites par le régime, la mémoire se réveille et oppose sa résistance à cette volonté d’effacement.
Antoine Chapon (né en 1990, France) est cinéaste et artiste pluridisciplinaire. Son travail élabore des formes hybrides mêlant cinéma, animation en images de synthèse et archives. Son premier court métrage, My Own Landscapes, a été présenté en première mondiale à Visions du Réel, où il a remporté le prix du Meilleur court métrage, avant d’être sélectionné dans plus de quarante festivals, dont Sundance, Telluride, Palm Springs, Sarajevo et Premiers Plans. Ses œuvres ont été montrées au ZKM|Karlsruhe, au Centre Pompidou, à la 17e Biennale d’architecture de Venise et au Singapore Art Museum. Ancien participant de Berlinale Talents, il travaille actuellement à l’écriture de son premier long métrage documentaire.
Juliette Corne
Izioum
Documentaire | mov | couleur | 4:18 | France, Ukraine | 2025
Place centrale d’Izioum, quelques mois après la libération de la ville. Une caméra hésitante parcourt les traces de la guerre, tandis que des habitant·es reprennent leur quotidien.
Juliette Corne est diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2022. Son travail navigue entre l’art contemporain et le cinéma, explorant les événements socio-politiques contemporains et leurs conséquences sur les représentations et les intimités. Attachée à révéler les mécanismes qui engendrent une normalisation de la violence, elle capte, à travers ses films, ses installations et ses photographies, des moments de vie qui continuent malgré l’horreur et la guerre. Zoé Monti
Melanie Courtinat
The Siren
Installation multimédia | 4k | couleur | 15:0 | France | 2025
The Siren est une exploration numérique qui interroge les conventions traditionnelles du jeu vidéo. Le projet existe sous deux formes : une version installative, jouée sur écran à l’aide d’une manette, et une expérience immersive en réalité virtuelle. L’œuvre examine le sens que nous attribuons aux actions dans un jeu, les motivations qui sous-tendent nos pratiques ludiques, et cherche à introduire un public d’exposition au médium. Cette approche inclusive se veut accessible à toutes et tous, y compris aux personnes peu familières des jeux vidéo, tout en offrant un niveau de lecture supplémentaire pour les initié·es. Présentée en installation, la pièce combine gameplay accessible et cinématiques contemplatives, proposant une expérience visuelle riche à celles et ceux qui préfèrent regarder. Comme dans la version en réalité virtuelle, les interactions mains libres ajoutent une couche immersive, permettant une relation plus incarnée et intuitive à l’œuvre. The Siren commence comme beaucoup de jeux : vous incarnez une héroïne en armure scintillante, guidée par une voix omnisciente, apparemment chargée de sauver une demoiselle en détresse. Mais avant d’entamer cette “quête principale”, vous êtes prié·e d’accomplir une mission secondaire : collecter des coquillages lumineux disséminés sur une plage au crépuscule. Au fil du jeu, la présence du narrateur se fait plus pressante, ses instructions plus insistantes, plus autoritaires, poussant le joueur ou la joueuse à obéir, à performer. Cette montée en tension invite à réfléchir à notre rapport à l’autorité dans les jeux — et au-delà. Pourquoi suivons-nous les ordres ? Que se passe-t-il lorsque nous cessons de le faire ? The Siren établit un parallèle entre la logique des “quêtes annexes” (comme la collecte compulsive des graines Korogu dans Breath of the Wild) et la manière dont nous remplissons nos vies de tâches, de projets, de micro-objectifs pour détourner notre attention de l’inévitabilité de la mort. Apprendre une nouvelle compétence, optimiser son quotidien, tomber amoureux·se : nous nous activons frénétiquement, espérant qu’un sens surgira de la répétition. Ce sont des rituels minuscules que nous inventons pour tromper le vide. Au fond, The Siren questionne aussi le récit de la salvation romantique, cette croyance selon laquelle sauver la princesse — ou poursuivre l’idée d’une “moitié” — nous rendrait enfin complet·e·s. Que l’amour pourrait nous protéger de l’absurdité de l’existence ; que si nous sommes le personnage principal, il doit y avoir une histoire, et qu’elle doit mener quelque part. Le parcours du joueur ou de la joueuse se tisse à travers de discrètes décisions, ouvrant la voie à plusieurs fins possibles. Aucune n’est définitive : la “bonne fin” est difficile à trouver. The Siren ne vous demande pas de gagner : elle vous invite à dériver, et à vous demander ce que signifie continuer quand la quête n’a plus vraiment de sens. L’œuvre a été initialement commandée par le Musée d’art de Pully, sous le commissariat de Victoria Mühlig.
Mélanie Courtinat (née en 1993) est une artiste et directrice artistique primée, basée à Paris. Son travail s’étend du jeu vidéo aux images de synthèse et au film, jusqu’à des expériences immersives en réalité virtuelle. Développées principalement avec des moteurs en temps réel, ses œuvres personnelles ont été présentées internationalement, de la Biennale de Venise (section Immersive) à LISTE Art Fair Basel. Sa pratique s’empare des codes et des structures du jeu vidéo, faisant du gameplay lui-même une matière première. Elle s’intéresse aux mécanismes fondamentaux (tutoriels, quêtes, PNJ, points de sauvegarde…) qu’elle détourne pour interroger les logiques de jeu et les présupposés qu’elles véhiculent. En reconfigurant ces architectures familières, elle crée des méta-jeux sensibles où les règles se renversent pour révéler de nouvelles couches de sens. Parallèlement à sa pratique artistique, elle réalise des projets pour les secteurs du luxe, de la mode et de la haute joaillerie, accompagnant les marques dans l’exploration du langage et des esthétiques du jeu vidéo et des médias interactifs. Elle collabore également avec des créateurs issus du cinéma, du théâtre ou de la danse, assurant la direction artistique et la conception interactive afin de traduire leurs visions en expériences numériques pertinentes. Mélanie intervient régulièrement comme enseignante invitée en histoire du jeu vidéo et humanités numériques à l’ECAL, et participe fréquemment à des conférences, mentorats et jurys en Europe et en Amérique du Nord.
Denis Côté
Jours avant la mort de Nicky
Fiction expérimentale | dcp | couleur et n&b | 19:30 | Canada | 2024
Derrière le volant de sa petite voiture, Nicky a l'air d'être en pleine mission. Les routes défilent mais les idées dans sa tête restent insondables et désespérées. Un repas, la découverte d'un fusil, des rencontres fortuites: le mystère reste entier.
Dans les années 90, il tourne une quinzaine de courts métrages, puis a été journaliste et critique de cinéma avant de réaliser son premier long métrage Les états nordiques en 2005. Son 4e long métrage, Carcasses (2009), est présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes pendant que Curling, remporte les honneurs au Festival de Locarno en 2010. Vic+Flo ont vu un ours (2013) a obtenu l'Ours d'argent de la Berlinale en Allemagne pour son innovation. Toujours à la Berlinale, il a présenté quatre longs métrages en Compétition officielle. Les films singuliers de Denis Côté ont été montrés dans des centaines de manifestations cinématographiques en plus de faire l'objet d’une quarantaine de rétrospectives à travers le monde.
Charlotte Dalia
Speechloss
Film expérimental | 4K | couleur | 15:0 | France | 2023
SPEECHLOSS est un film traversé par des personnages solitaires, des figures en décalage et en quête de sens. Dans une ambiance maritime et étrange, on croise une joggeuse, un bodybuilder, des chiens et un étrange organe géant. Speechloss est une succession de quatre tableaux dans lesquels souffle le vent et un puissant désir de se dire vivant. Car chacun.e incarne un.e IA abandonnée, en attente d’activation.
Charlotte Dalia est née en 1993. Elle est diplômée de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse. Artiste plasticienne, vidéaste et réalisatrice, ses recherches portent sur les effets tant plastiques que narratifs du cinéma. Impégnée du principe de «cinémonde» théorisé par Jean-Luc Nancy, elle utilise le cinéma en tant que répertoire de signes «ouvrant le dedans sur lui-même». Elle a participé à de nombreuses expositions collectives et a été invitée à construire deux expositions personnelles. Poursuivant ses recherches sur les écritures de la réalité à travers les formes de la fiction, elle se forme à l’écriture documentaire auprès de Ty Films et Films en Bretagne. Elle travaille actuellement au développement d’ALMERICA, un projet mêlant crise climatique et décors de cinéma, et à l’écriture d’ un moyen métrage faisant suite à SPEECHLOSS, pour en poursuivre l'univers.
Eline De Clercq, Anne Reyniers
Gesamthof / A Lesbian Garden
Film expérimental | mov | couleur | 15:0 | Belgique | 2021
Ce court métrage évoque le Gesamthof / A lesbian garden, un projet art-nature situé à Anvers, entre les murs d’un ancien monastère. Dans ce document audiovisuel inscrit dans le temps, nous suivons une visite guidée menée par Eline De Clercq, la force motrice du jardin. Celui-ci sert de point d’entrée pour aborder des thèmes variés : le colonialisme dans la botanique, l’ambiguïté des noms, les attentes sociales pesant sur les femmes et la quête d’une identité lesbienne. Ce jardin s’inspire des écrits d’écoféministes et d’autres autrices telles que Donna Haraway, Robin Wall Kimmerer, Jamaica Kincaid, Virginia Woolf et bien d’autres. La collaboration entre les deux artistes, Anne et Eline, a débuté au Gesamthof, où elles se sont rencontrées pour la première fois, et se poursuit aujourd’hui dans divers jardins.
Anne Reijniers (1992, Belgique) est une cinéaste basée à Anvers. Sa pratique collaborative interroge l’histoire coloniale, l’occupation de l’espace public et l’éthique du « faire ensemble ». Anne est titulaire d’un Master en arts audiovisuels de la LUCA School of Arts à Bruxelles et du KASK à Gand. Ses films réalisés en collaboration au sein du Collectif Faire-Part ont été présentés dans de nombreux festivals et expositions, en Belgique et à l’international. Avec le film Faire-part, elle a remporté plusieurs prix, notamment au Festival international du documentaire de Montréal, au Congo International Film Festival et au Brussels Art Film Festival. Eline De Clercq (1979, Belgique) vit et travaille à Anvers, où son atelier jouxte le jardin du monastère dans lequel elle a pris soin du Gesamthof de 2019 à 2025. Formée à la peinture, elle étend sa pratique à d’autres médiums tels que le jardinage, le film, l’écriture ou la céramique. Elle aime collaborer avec d’autres artistes et organise souvent des événements communautaires, comme le Homesick Tea Gathering. Plusieurs de ses projets abordent des thématiques antiracistes et anti-misogynes, avec une attention particulière aux réalités intersectionnelles. Depuis 2022, elle travaille comme chercheuse artistique à la Royal Academy of Fine Arts Antwerp.
Lotte Louise De Jong, Antonia Hernández
fantasy lane
Installation vidéo | 0 | couleur | 0:0 | Pays-Bas | 2024
antasy_lane (2024/2025) FantasyLane explore l’interaction complexe entre les désirs numériques et les aspirations immatérielles liées à l’accession à la propriété dans un marché immobilier financiarisé, où le rêve de posséder un logement devient de plus en plus insaisissable. Le projet aboutit à un commentaire sur l’imbrication du plaisir, de l’anxiété et de la notion changeante de « chez-soi » au sein de constructions sociales, reflétant la crise du logement plus large à laquelle beaucoup sont confrontés aujourd’hui. FantasyLane est une œuvre en cours, présentée dans un moteur de jeu. Elle se compose de trois espaces distincts, narrés par une voix ASMR qui simule l’expérience de l’achat d’une première maison. Les espaces 3D sont dérivés de la chaîne PropertySex sur Pornhub.com et traités à l’aide d’un réseau neuronal (Neural Radiance Field) afin de recréer ces environnements en trois dimensions. Ces environnements sont ensuite intégrés dans un moteur de jeu, permettant une navigation à travers les espaces virtuels. La narration, inspirée des vidéos ASMR YouTube qui abordent contrats et plans d’étage, nourrit la fantaisie de l’accession à la propriété. Dans ces espaces virtuels, les spectateurs peuvent retrouver des commentaires laissés par les spectateurs originels des vidéos PropertySex — non pas à propos de l’activité sexuelle, mais concernant les espaces mêmes où ces activités ont lieu. FantasyLane est réalisé en collaboration avec Antonia Hernández.
Lotte Louise de Jong est une artiste des nouveaux médias avec une formation en cinéma. Son travail s’étend au film, à l’installation et aux espaces en ligne, explorant la manière dont la culture numérique et l’économie façonnent l’identité, l’intimité et le désir. Elle s’intéresse à la façon dont ces expériences sont médiatisées, mises en scène et marchandisées à travers les écrans, ainsi qu’aux structures sociales, culturelles et économiques sous-jacentes qui influencent notre vie quotidienne. Ayant grandi dans un environnement fait d’ordinateurs montés à la maison et de culture internet précoce, elle a développé une familiarité avec les espaces numériques qui continue d’informer sa pratique. S’inspirant de la culture en ligne, des premiers travaux de net art et des infrastructures cachées des réseaux numériques, elle utilise l’humour, l’empathie et la nuance pour créer des espaces où la curiosité remplace le jugement moral. En développant ses propres outils et en travaillant à la fois dans des environnements numériques et physiques, elle rend visibles les mécanismes souvent dissimulés de la vie médiatisée, invitant les publics à réfléchir à leur propre participation, sans moralisme ni dogme. Elle est titulaire d’un Master du Piet Zwart Institute à Rotterdam, enseigne à la Gerrit Rietveld Academy au sein du programme DogTime, et a reçu en 2025 la bourse de base pour artistes du Mondriaan Fund. Ses projets ont également été soutenus par le Creative Industries Fund NL. En 2026, elle entamera une résidence de deux ans à la Rijksakademie d’Amsterdam.
Abri De Swardt
Kammakamma
Installation vidéo | 4k | couleur | 16:54 | Afrique du sud | 2024
Si l’embouchure d’une rivière pouvait parler, que dirait-elle ? En imaginant les bouches des rivières comme conteuses et historiographes, Kammakamma forme l’épisode inaugural du second volet d’une trilogie en images mouvantes consacrée à l’Eerste, en Afrique du Sud — une rivière envisagée comme témoin et vectrice d’histoires englouties. Son titre évoque les glissements entre les termes khoekhoe pour l’eau (//amma) et la ressemblance (khama), tandis que kamma s’est fondu dans l’afrikaans avec le sens de « faire semblant ». À travers trois chroniques imbriquées — celles d’Abri de Swardt, de la poète Ronelda S. Kamfer et de l’historienne Saarah Jappie — la rivière devient une zone de saturation où comprendre le climat et la catastrophe. Dans cet épisode, De Swardt interroge l’un des mythes fondateurs de l’afrikandérité à travers la figure d’Hendrik Biebouw, un adolescent oisif qui, en 1707, attaqua un moulin à eau de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales situé au bord de la rivière, se proclamant ivre un « Africaander » — un terme alors réservé aux personnes réduites en esclavage, affranchies ou autochtones. Sa déclaration est indissociable du lieu où elle fut prononcée, du vin en tant qu’agent du colonialisme de peuplement, et de l’instabilité même du langage. Refiguré en purgatoire, Biebouw tamise le sable de sacs prélevés autour de l’estuaire pour le reverser dans la confluence obstruée de l’Eerste et de la Plankenbrug, tandis que son oraison délirante mêle afrikaans, néerlandais, allemand et malgache. Des interludes filmés après des crues montrent la rivière tour à tour sauvage et aménagée, et des tableaux inspirés de manuels de natation et de sauvetage mettent en avant la charge et l’étouffement. Par un double dispositif de synchronisation, De Swardt fait de la perception elle-même une ivresse désorientante.
Abri de Swardt (né en 1988, Johannesburg) est un artiste basé à Johannesburg, en Afrique du Sud. Travaillant entre vidéo, photographie, sculpture et performance, sa pratique interroge les effets persistants de la blanchité et de la masculinité coloniales de peuplement en Afrique australe, ainsi que les perceptions de la queerness comme « non naturelle » et « non africaine », en croisant historiographie, fiction, auto-ethnographie, écologie, désir et registres fantastiques. Le travail de De Swardt a été exposé, performé ou projeté à la Norval Foundation, Le Cap ; au Kunstverein Braunschweig ; au Goldsmiths Centre for Contemporary Art, Londres ; au Rupert Museum, Stellenbosch ; à la National Gallery of Art, Vilnius ; à l’Institute of Contemporary Arts, Londres ; ou encore au Centre for the Less Good Idea, Johannesburg, parmi d’autres. Ses expositions personnelles incluent POOL x Field Station, Le Cap (2024) ; POOL, Johannesburg (2018) ; MOT International Projects, Londres (2013) ; et blank projects, Le Cap (2011). De Swardt a mené des résidences à Rupert, Vilnius ; au Hordaland Kunstsenter, Bergen ; et à la Nirox Foundation, Cradle of Humankind. En 2022, il a reçu le Social Impact Arts Prize et a été nommé pour le Foam Paul Huf Award. Il est titulaire d’un MFA en arts plastiques du Goldsmiths, University of London, et sera artiste résident 2025–2026 au sein de Braunschweig Projects, Hochschule für Bildende Künste Braunschweig.