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Viviana Mamani Cori
Cristóbal Condori: Una Nariz de Ficción
VR expérimental | 4k | couleur | 7:12 | Bolivie | 2025
Il y a presque quatre ans, le collectif Wiphala a escaladé la statue de Christophe Colomb à La Paz, en Bolivie, et lui a brisé le nez d’un seul coup. La même année, ma sœur a subi une opération esthétique pour changer le nez hérité de notre père — mais à sa sortie du bloc opératoire, elle ne se reconnaissait plus dans le miroir. À El Alto, en Bolivie, une tendance croissante à la rhinoplastie vise à modifier ce que beaucoup appellent le « nez de condor », portée par des cliniques proposant des réductions et par un paysage urbain saturé de panneaux publicitaires, de mannequins et d’affiches montrant des visages blancs, des cheveux clairs et des nez retroussés. La statue de Christophe Colomb prend vie après avoir été frappée au nez. Désorientée, elle erre dans les rues d’El Alto, revisitant son passé et confrontant le contraste entre sa mémoire coloniale et la présence des corps autochtones qui habitent la ville. Au fil de son parcours, elle explore sa propre identité fracturée et celle de la ville, jusqu’à se retrouver face à face avec le buste d’un homme aymara, porteur d’une esthétique et d’un imaginaire chola. Cette rencontre symbolise la résistance aux canons hégémoniques de beauté et la possibilité de réécrire l’histoire depuis une perspective décoloniale. L’expérience se déploie en réalité virtuelle, permettant au·à la spectateur·rice d’accompagner la transformation de la statue — et une réconciliation avec nos propres nez.
Viviana Mamani Cori est une artiste aymara, migrante, à la peau brune, née à El Alto, en Bolivie. Sa pratique émerge d’une formation non académique façonnée par la migration, la rue et les esthétiques populaires de l’Altiplano, où l’architecture chola et les DVD piratés ont modelé dès tôt sa sensibilité pour le glitch, le bruit et les images clandestines. Elle a ensuite poursuivi des études en architecture et en cinématographie, élargissant sa pratique au cinéma expérimental, à la photographie, à la performance et aux nouveaux médias. Son travail tisse archives intimes, mémoire territoriale et gestes incarnés qui confrontent les récits coloniaux autour de la beauté, de l’identité et de la représentation autochtone. Elle a réalisé des œuvres qui ont circulé dans la rue, dans des espaces communautaires, des galeries et des festivals à travers l’Amérique latine et l’Europe. Elle a été sélectionnée pour Berlinale Talents Buenos Aires 2022 et a participé à la résidence artistique DIP en 2024, où elle a bénéficié de l’accompagnement de cinéastes latino-américaines de premier plan telles que Lucrecia Martel et Maite Alberdi. Son projet Cristóbal Condori: Una nariz de ficción a reçu de nombreuses distinctions en photographie, art contemporain et cinéma expérimental. En 2025, elle reçoit le Prince Claus Seed Award pour une trajectoire explorant l’identité, la migration, la mémoire et le corps comme territoire politique de résistance. Elle vit aujourd’hui à El Alto, en Bolivie, où elle poursuit et développe sa pratique artistique.