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Abri De Swardt
Kammakamma
Installation vidéo | 4k | couleur | 16:54 | Afrique du sud | 2024
Si l’embouchure d’une rivière pouvait parler, que dirait-elle ? En imaginant les bouches des rivières comme conteuses et historiographes, Kammakamma forme l’épisode inaugural du second volet d’une trilogie en images mouvantes consacrée à l’Eerste, en Afrique du Sud — une rivière envisagée comme témoin et vectrice d’histoires englouties. Son titre évoque les glissements entre les termes khoekhoe pour l’eau (//amma) et la ressemblance (khama), tandis que kamma s’est fondu dans l’afrikaans avec le sens de « faire semblant ». À travers trois chroniques imbriquées — celles d’Abri de Swardt, de la poète Ronelda S. Kamfer et de l’historienne Saarah Jappie — la rivière devient une zone de saturation où comprendre le climat et la catastrophe. Dans cet épisode, De Swardt interroge l’un des mythes fondateurs de l’afrikandérité à travers la figure d’Hendrik Biebouw, un adolescent oisif qui, en 1707, attaqua un moulin à eau de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales situé au bord de la rivière, se proclamant ivre un « Africaander » — un terme alors réservé aux personnes réduites en esclavage, affranchies ou autochtones. Sa déclaration est indissociable du lieu où elle fut prononcée, du vin en tant qu’agent du colonialisme de peuplement, et de l’instabilité même du langage. Refiguré en purgatoire, Biebouw tamise le sable de sacs prélevés autour de l’estuaire pour le reverser dans la confluence obstruée de l’Eerste et de la Plankenbrug, tandis que son oraison délirante mêle afrikaans, néerlandais, allemand et malgache. Des interludes filmés après des crues montrent la rivière tour à tour sauvage et aménagée, et des tableaux inspirés de manuels de natation et de sauvetage mettent en avant la charge et l’étouffement. Par un double dispositif de synchronisation, De Swardt fait de la perception elle-même une ivresse désorientante.
Abri de Swardt (né en 1988, Johannesburg) est un artiste basé à Johannesburg, en Afrique du Sud. Travaillant entre vidéo, photographie, sculpture et performance, sa pratique interroge les effets persistants de la blanchité et de la masculinité coloniales de peuplement en Afrique australe, ainsi que les perceptions de la queerness comme « non naturelle » et « non africaine », en croisant historiographie, fiction, auto-ethnographie, écologie, désir et registres fantastiques. Le travail de De Swardt a été exposé, performé ou projeté à la Norval Foundation, Le Cap ; au Kunstverein Braunschweig ; au Goldsmiths Centre for Contemporary Art, Londres ; au Rupert Museum, Stellenbosch ; à la National Gallery of Art, Vilnius ; à l’Institute of Contemporary Arts, Londres ; ou encore au Centre for the Less Good Idea, Johannesburg, parmi d’autres. Ses expositions personnelles incluent POOL x Field Station, Le Cap (2024) ; POOL, Johannesburg (2018) ; MOT International Projects, Londres (2013) ; et blank projects, Le Cap (2011). De Swardt a mené des résidences à Rupert, Vilnius ; au Hordaland Kunstsenter, Bergen ; et à la Nirox Foundation, Cradle of Humankind. En 2022, il a reçu le Social Impact Arts Prize et a été nommé pour le Foam Paul Huf Award. Il est titulaire d’un MFA en arts plastiques du Goldsmiths, University of London, et sera artiste résident 2025–2026 au sein de Braunschweig Projects, Hochschule für Bildende Künste Braunschweig.