Catalogue > Un extrait vidéo au hasard
Melanie Courtinat
The Siren
Installation multimédia | 4k | couleur | 15:0 | France | 2025
The Siren est une exploration numérique qui interroge les conventions traditionnelles du jeu vidéo. Le projet existe sous deux formes : une version installative, jouée sur écran à l’aide d’une manette, et une expérience immersive en réalité virtuelle. L’œuvre examine le sens que nous attribuons aux actions dans un jeu, les motivations qui sous-tendent nos pratiques ludiques, et cherche à introduire un public d’exposition au médium. Cette approche inclusive se veut accessible à toutes et tous, y compris aux personnes peu familières des jeux vidéo, tout en offrant un niveau de lecture supplémentaire pour les initié·es. Présentée en installation, la pièce combine gameplay accessible et cinématiques contemplatives, proposant une expérience visuelle riche à celles et ceux qui préfèrent regarder. Comme dans la version en réalité virtuelle, les interactions mains libres ajoutent une couche immersive, permettant une relation plus incarnée et intuitive à l’œuvre. The Siren commence comme beaucoup de jeux : vous incarnez une héroïne en armure scintillante, guidée par une voix omnisciente, apparemment chargée de sauver une demoiselle en détresse. Mais avant d’entamer cette “quête principale”, vous êtes prié·e d’accomplir une mission secondaire : collecter des coquillages lumineux disséminés sur une plage au crépuscule. Au fil du jeu, la présence du narrateur se fait plus pressante, ses instructions plus insistantes, plus autoritaires, poussant le joueur ou la joueuse à obéir, à performer. Cette montée en tension invite à réfléchir à notre rapport à l’autorité dans les jeux — et au-delà. Pourquoi suivons-nous les ordres ? Que se passe-t-il lorsque nous cessons de le faire ? The Siren établit un parallèle entre la logique des “quêtes annexes” (comme la collecte compulsive des graines Korogu dans Breath of the Wild) et la manière dont nous remplissons nos vies de tâches, de projets, de micro-objectifs pour détourner notre attention de l’inévitabilité de la mort. Apprendre une nouvelle compétence, optimiser son quotidien, tomber amoureux·se : nous nous activons frénétiquement, espérant qu’un sens surgira de la répétition. Ce sont des rituels minuscules que nous inventons pour tromper le vide. Au fond, The Siren questionne aussi le récit de la salvation romantique, cette croyance selon laquelle sauver la princesse — ou poursuivre l’idée d’une “moitié” — nous rendrait enfin complet·e·s. Que l’amour pourrait nous protéger de l’absurdité de l’existence ; que si nous sommes le personnage principal, il doit y avoir une histoire, et qu’elle doit mener quelque part. Le parcours du joueur ou de la joueuse se tisse à travers de discrètes décisions, ouvrant la voie à plusieurs fins possibles. Aucune n’est définitive : la “bonne fin” est difficile à trouver. The Siren ne vous demande pas de gagner : elle vous invite à dériver, et à vous demander ce que signifie continuer quand la quête n’a plus vraiment de sens. L’œuvre a été initialement commandée par le Musée d’art de Pully, sous le commissariat de Victoria Mühlig.
Mélanie Courtinat (née en 1993) est une artiste et directrice artistique primée, basée à Paris. Son travail s’étend du jeu vidéo aux images de synthèse et au film, jusqu’à des expériences immersives en réalité virtuelle. Développées principalement avec des moteurs en temps réel, ses œuvres personnelles ont été présentées internationalement, de la Biennale de Venise (section Immersive) à LISTE Art Fair Basel. Sa pratique s’empare des codes et des structures du jeu vidéo, faisant du gameplay lui-même une matière première. Elle s’intéresse aux mécanismes fondamentaux (tutoriels, quêtes, PNJ, points de sauvegarde…) qu’elle détourne pour interroger les logiques de jeu et les présupposés qu’elles véhiculent. En reconfigurant ces architectures familières, elle crée des méta-jeux sensibles où les règles se renversent pour révéler de nouvelles couches de sens. Parallèlement à sa pratique artistique, elle réalise des projets pour les secteurs du luxe, de la mode et de la haute joaillerie, accompagnant les marques dans l’exploration du langage et des esthétiques du jeu vidéo et des médias interactifs. Elle collabore également avec des créateurs issus du cinéma, du théâtre ou de la danse, assurant la direction artistique et la conception interactive afin de traduire leurs visions en expériences numériques pertinentes. Mélanie intervient régulièrement comme enseignante invitée en histoire du jeu vidéo et humanités numériques à l’ECAL, et participe fréquemment à des conférences, mentorats et jurys en Europe et en Amérique du Nord.