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Armand Morin

Les Oiseaux

Vidéo | 4k | couleur | 10:34 | France, Belgique | 2019

La vidéo Les oiseaux a été créée suite à l’invitation à exposer à Memento, centre d’art installé dans un ancien monastère carmélite à Auch (32). Les religieuses y vivaient recluses et silencieuses, la plupart du temps confinées dans leurs cellules exiguës. Les traces de cette histoire dans le bâtiment m’a incité à me poser la question de l’imaginaire spatial de ces personnes isolées, lié à leur vie d’avant ou leurs fantasmes. J’imagine un effritement de la mémoire des lieux qui chaque jour perdent un peu plus de leur détails et définition. Ainsi la voix off, qui défile sous forme de texte comme une voix intérieure, commence par décrire ce monde silencieux, l’isolement. Sous forme de quête ou de punition. Les images de la recluse et de l’ermite se croisent pour assez vite amener au thème de la fuite. Fuite de l’humain face à ses responsabilités, fuite en avant dans le divertissement et l’usure des ressources jusqu’à finalement disparaître. Cette voix off, c’est celle d’une humanité couarde et avide qui raconte son histoire par bribes depuis une sorte d’au-delà. Les images (tournées en Grèce, France et Belgique) montrent des lieux d’exploitation des ressources naturelles et énergétiques, de production industrielle de nourriture, des infrastructures de mobilité et des moyens de transports plus ou moins opérants, ainsi que des sols nus et inhospitaliers. Il y a aussi quelques nids et objets trouvés dans les greniers du monastère qui tournent sur un plateau comme des objets de télé-achat. C’est un travail profondément pessimiste et mélancolique qui regrette l’effondrement à venir. Il pose la question de la culpabilité face à cette catastrophe imminente, de la répartition des responsabilités. Il traduit aussi un questionnement personnel mais partagé par beaucoup sur les moyens de s’organiser pour les années à venir et tenter de s’adapter, de prendre soin de soi, des autres et de ce qui reste.

J’ai étudié les Beaux-Arts à Nantes, dont j’ai été diplômé en 2007. C’est pendant ces études que j’ai commencé à m’intéresser aux paysages modelés par l’homme et leur artificialité, la présence du décor dans notre environnement quotidien, au collage et au montage comme moyen de créer des tiers lieux, au rapport entre documentaire et fiction, à la consommation de l’espace à travers les loisirs et le tourisme. J’ai ensuite profité d’une bourse post-dîplôme de cette même école pour séjourner 1 an à Miami, afin de poursuivre mes recherches. J’y ai tourné des vidéos qui ont pour point de départ l’observation des emprunts culturels et stylistiques dans l’architecture de la ville (Pardon our Dust et Le Monastère Espagnol). La même année (2009), j’ai été lauréat du Prix des Arts Plastiques de la ville de Nantes. Fin 2010, j’ai intégré le Fresnoy à Tourcoing et réalisé Opa-Locka will be beautiful, un “conte documentaire”, sur une banlieue de Miami construite dans un style des Mille et Unes Nuits dans les années 1920 avant de devenir un ghetto afro-américain rongé par le crack dans les années 1980. Pour la seconde année du cursus, j’ai créé Panorama 14, un diorama de science fiction dans lequel des maquettes d’architecture et de canyon se retrouvent plongées dans une véritable tempête de sable. Pour ces deux projets, on retrouve mon intérêt pour les paysages extrêmes, les collages spatio-temporels, les faux-semblants et un rapport ambiguë entre réalité observable et récit. En 2014, à l’invitation du Festival Hors-Pistes au Centre Pompidou, j’ai proposé La dérive des documents, une conférence performée, une forme spectaculaire autour de sources documentaires liée à mes travaux précédents. À la fin 2014, j’ai réalisé La terre vue du ciel ma première exposition personnelle à Tlön (Nevers), dans laquelle la vidéo s’intègre à un décor qui transforme le lieu. On retrouve ce type d’installations ou de mises en scène immersives dans d’autres expositions personnelles, comme On top of the Lake (à Stadio, Vevey en 2015) ou Le Grand Théâtre (à Silicone, Bordeaux en 2016). En 2015, je suis devenu papa, ce n’est pas rien... Juste avant, j’ai participé à deux résidences, Fieldwork à Marfa (Texas) et au centre archéologique gallo-romain de Bibracte qui me permettront de réaliser la vidéo The Promised Lawn (2016) où se dessinent les conséquences possibles de l’épuisement des ressources planétaires par notre civilisation. Cette vidéo aborde des thématiques écologiques et économiques que l’on retrouve régulièrement dans mon travail depuis. Les formes et produits générés par les industries du tourisme et des loisirs est également un sujet de travail récurent. Les problématiques liées aux déchets, rejets et résidus sont aussi de plus en plus présentes. En 2019, j’ai réalisé la vidéo Les Oiseaux, tournée en Grèce, en France et en Belgique, qui poursuit sur le mode du récit anticipatif des interrogations sur le devenir de l’espèce humaine sur une planète surexploitée. Depuis 2020, je travaille notamment à des nouveaux projets vidéo qui se concentrent sur des paysages crées par les activités d’extraction et de production, en observant plus précisément les rejets et résidus qu’elles produisent.