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Nicolas Tubery

Deman la tonda

Doc. expérimental | hdv | couleur | 11:11 | France | 2015

Le dispositif de tournage se développe autour de la lourde planche de bois sur laquelle le paysan y déposera ses brebis une après l`autre pour les aléger de leur laine. L`oeil des caméras disposées sur la structure d`acier accompagne de l’intérieur le déroulement de l’événement, s’appuyant sur les mouvements et les points de vue des barrières. Révélant une chorégraphie de l’effort et du travail des bêtes, Deman La Tonda propose en même-temps d’envisager les mécanismes de la vidéo et du sujet filmé comme un tout, un seul et même acte

Filmer, se faire le témoin d’une action particulière, prélever des morceaux du réel et les assembler, donner une autre vision du spectacle en partant du quotidien. Les films de Nicolas Tubéry sont des témoignages subjectifs sans débuts ni fins, la mise en forme d’une manière de voir et d’être face aux choses. Dans sa volonté de rendre compte d’une situation, d’une atmosphère spécifique, il n’hésite pas à confronter les oppositions. Deux approches cinématographiques contradictoires sont utilisées selon les oeuvres, à savoir la mise en scène minutieuse et toutes les contraintes techniques qui y sont liées, et le cinéma direct caméra au poing qui autorise plus de spontanéité. Dans les deux cas, le hors-champ prend une place aussi importante que l’image elle-même, il en devient indissociable pour tenter de saisir les films dans leur globalité. Ce qui est donné à voir n’est qu’une partie de ce qui doit être vu, le spectateur ne peut pas se contenter de regarder passivement, il est conduit à plonger hors du cadre. Parfois le sujet est ailleurs, comme dans Rodeo où cheval et cavalier sont quasiment absents de l’image, occupée à saisir l’environnement, capter ce qui gravite autour de l’action principale. Ou bien à l’inverse c’est l’ailleurs qui est rendu invisible. Emballeuse nous fait suivre, par plans très rapprochés, chacun des mouvements d’une machine à compacter les bottes de paille. Chaque centimètre carré de l’emballeuse est disséqué par de lents mouvements de caméra. Toute perspective est bannie, pas un aperçu de l’espace alentours ne filtre. Cette décontextualisation quasi permanente isole les personnes ou les objets pour en faire des centres d’attention inhabituels. On retrouve souvent, comme dans Tsukiji, les techniques propres au cinéma comme le ralenti, l’utilisation d’une bande sonore, la mise en place d’une tension grandissante qui mène au climax. Mais à l’inverse du cinéma ces effets sont vains, ils ne servent pas la narration mais valent pour eux-mêmes, influant sur la manière d’observer l’action qui se joue à l’écran. Ils permettent seulement de déclencher une appréhension chez le spectateur, qui par habitude des images rentre dans l’intrigue et s’attend à un déroulement logique, à une suite qui finalement n’arrive jamais. Nicolas Tubéry cherche ainsi à retranscrire une vision personnelle, nous montrer une chose sous un angle bien précis pour nous contraindre à regarder de la même manière que lui, en nous invitant à voir au-delà. Aurélien Pelletier,2011 Formellement très différentes les trois oeuvres de Nicolas Tubéry s’articulent autour du même axe : l’attente d’un évènement spectaculaire à venir, qui n’arrive pas. Gros plans, tensions palpables Nicolas Tubéry nous propose une réflexion en trois actes sur la grammaire cinématographique et plus particulièrement sur le cadrage. L`artiste en appelle à nos capacités de narration, tout en jouant avec nos attentes. Il laisse le mystère entier… partiellement, puisque les titres font figure de prétérition. Supporter pose la question des frontières entre réalité et fiction en mettant en scène des gestes expressifs pouvant fonctionner comme emblème. Rodéo travaille l’omniprésence du hors-champ à partir de la bande son. Ces deux films pourraient être engloutis tout entier dans Screen qui les place hors-champ, pour ne s’intéresser qu’au phénomène de la projection. Leila Simon pour Jeune Création 2011 Dans son installation vidéo, Nicolas Tubéry met en regard trois moments suspendus, plongeant le spectateur dans une véritable frustration. Littéralement « en attentes », l’œuvre autant que celui qui la regardent abandonnent toute action, toute résolution. Car ce tryptique Rodeo, Screen et Supporter mêlant un cadre de projection vide, une foule en attente d’un évenement et ce qui ressemble à la fin d’un spectacle offre trois temporalités « déviantes » qui se répondent et viennent s’amplifier en jouant sur l’incidence d’un temps non pas seulement révolu mais bien condamné à ne plus jamais “passer”. Guillaume Benoit pour Slash Magazine,2011